Publié le 12/07/2024
Véritable ambassadrice de sa discipline, Marie-Amélie Le Fur débute l'athlétisme à 6 ans. En 2018, elle devient la nouvelle présidente du Comité Paralympique et Sportif Français en succédant à Emmanuelle Assmann. Elle est née à Vendôme (Loir-et-Cher) et a obtenu 9 médailles olympiques dont 3 en or.
Photo : T. Nguyen / CPSF
Marie-Amélie Le Fur : Mon parcours est assez simple, j'ai débuté le sport dès mon plus jeune âge avec l'athlétisme à 6 ans, non pas par passion mais pour faire plaisir à ma sœur qui voulait pratiquer ce sport et ne voulait pas le faire seule. Cette pratique du sport est devenue une forme d'évidence pour me construire en tant qu'individu, pour générer du lien social. Il y avait l'aspect compétitif, le don de soi, la réussite, des objectifs à atteindre qui m'animaient, mais aussi le fait, comme je le pratiquais en club, de le faire avec d'autres jeunes et de créer ce lien social important, sans pour autant à l'époque avoir l'ambition d'en faire mon métier.
Puis après, il y a eu cet incident de vie à l'âge de 15 ans avec l'amputation et là, le sport a pris une place différente et m'a permis à un moment de doute, d'inquiétude, de me reconstruire. La vie prend effectivement une autre tournure et on découvre un monde inconnu, qui est celui du handicap. Le sport m'a permis de reprendre confiance en moi, conscience de mes compétences et de m'affranchir de ce qu'étaient les préjugés et les stéréotypes sociaux sur la situation de handicap. Derrière, j'ai pu tracer ma propre route et la chance que j'ai eue, c'est dès le début d'être soutenue dans mon ambition par mes parents, mes proches, l'univers des pompiers, par ma prothésiste. Très rapidement, j'ai pu trouver un coach, un club de proximité, et tout cela a facilité ma reprise de la pratique sportive, ce qui n'est pas toujours le cas pour les autres personnes en situation de handicap.
La construction d'une carrière de sportive de haut niveau est venue avec le temps, étape par étape, des championnats de France, des championnats du Monde, les jeux paralympiques de Pékin puis ceux de Londres avec cette conquête du premier titre, qui va durablement changer ma vie et ma relation au sport. En atteignant le titre ultime, on en ressort changé avec l'ambition d'un nouveau rôle social : non plus d'agir pour soi-même, mais d'agir pour tout une communauté. J'ai donc fait le choix à partir de 2012 de militer en faveur de l'accès au sport pour les personnes en situation de handicap, de promouvoir plus largement les jeux paralympiques, pour que cela devienne un levier sociétal et travailler cette question de société inclusive. Après, il y a eu différentes instances dont le comité paralympique en 2018.
Marie-Amélie Le Fur : On remarque que ce regard a considérablement évolué. Il y a eu plusieurs effets générateurs de ce changement. D'une part, par un effet sociétal global, c'est-à-dire que considérer la personne en situation de handicap est devenu une évidence avec une politique portée par l'Etat et les collectivités. D'autre part, une révolution du mouvement sportif actuellement en cours, qui a débuté par les jeux de Londres. Il y a eu un impact considérable avec les Jeux de Londres sur la connaissance, la reconnaissance, la médiatisation des jeux paralympiques. Un vrai effet structurant s'est alors mis en place, avec les fédérations qui se sont engagées en faveur du sport pour les personnes en situation de handicap. Au sein même de leur gouvernance, elles ont désigné un élu en charge du parasport avec des commissions. L'engagement de la part de l'Etat s'est également renforcé, aussi bien sur la haute performance que sur le développement des pratiques, tout comme celui des collectivités qui, elles aussi, ont décidé de se poser la question « comment puis-je définir une politique publique du sport en faveur des personnes en situation de handicap ? quels ont les bons réflexes ? et quels moyens financiers ? »
Nous ne sommes qu'au début d'un processus, mais il est bien engagé.
Le sport n'est pas la réponse à tout. Mais grâce au sport, deux effets sociétaux sont importants […] c'est se redonner confiance, c'est s'affranchir des préjugés et c'est opérer un décloisonnement social et [•••] apprendre à connaître l'autre et pas seulement par le prisme de son handicap.
Marie-Amélie Le Fur
Marie-Amélie Le Fur : Dans d'autres pays, le lien est plus fort, plus durable car la relation avec le handicap est différente, ce ne sont pas les mêmes enjeux culturels autour du handicap.
Dans les pays nordiques, l'inclusion a pris tout son sens depuis de nombreuses années, là où en France, c'est beaucoup plus récent et naissant. On a encore besoin de contraindre le système à changer, parce que ce n'est pas naturel. Le sport peut être un levier pour y contribuer et arriver à travailler collectivement.
On remarque une accélération en Angleterre grâce à l'organisation des jeux de Londres. On voit que les italiens ont une médiatisation plus forte, plus régulière notamment avec les championnats de basket fauteuil et ceux de rugby fauteuil, ce qui permet d'instaurer plus durablement une approche inclusive, alors qu'en France, c'est encore en construction mais avec une accélération grâce aux JO de Paris.
Marie-Amélie Le Fur : Le sport n'est pas la réponse à tout, mais grâce au sport, deux effets sociétaux sont importants au-delà des effets sanitaires et de la santé : se redonner confiance en s'affranchissant des préjugés et opérer un décloisonnement social de la personne en situation de handicap. Le deuxième effet est collectif. Le fait de pratiquer dans un club de façon inclusive, dans les mêmes locaux, au même moment, avec les mêmes créneaux, vous allez favoriser cet enjeu de la rencontre et au travers de ce sport partagé, vous allez lever l'appréhension du handicap, apprendre à connaître l'autre et pas seulement par le prisme de son handicap.
Il faut que l'on soit en mesure de proposer une solution inclusive mais elle ne doit pas être la seule règle de demain, car elle peut ne pas correspondre aux besoins de la personne en situation de handicap qui préfère pratiquer entre pairs. Il faut tendre à proposer conjointement les deux solutions.
Marie-Amélie Le Fur : En parallèle de la pratique du parasport au quotidien, il existe un levier propre aux jeux paralympiques, c'est d'arriver à questionner la société pour avoir des évolutions dans le quotidien en ce qui concerne l'accessibilité : l'accessibilité du bâti, l'accessibilité des transports. Les jeux de Paris sont un véritable enjeu dans ce sens. Porter un plaidoyer fort, travailler collectivement avec les acteurs en responsabilité est un début pour aller plus loin ensuite dans tout le pays.
On le voit déjà. Il y a eu dans certaines conceptions de l'espace public, de certains bâtiments, des réflexes qui ont été pris grâce aux jeux paralympiques et qui demain, devront infuser pour permettre des normes de construction adaptée à toutes les typologies de handicap.
Avec le comité d'organisation, on va avoir une relation privilégiée avec les collectivités qui sont les premières financeuses du sport en France et des infrastructures sportives, donc si on arrive à faire en sorte que ces dernières prennent en compte les besoins des personnes en situation de handicap, on aura un paysage sportif global bien plus cohérent.
Marie-Amélie Le Fur : Il existe à mon sens deux typologies de jeunesse. La jeunesse en situation de handicap et l'ensemble de la jeunesse. J'espère qu'au travers de ces jeux, on va porter des messages forts d'engagement et d'espoir aux jeunes en situation de handicap. On va ouvrir le champ des possibles, parce que l'on va avoir une communication, une médiatisation très forte autour des athlètes de l'équipe de France, qui sont pourvoyeurs d'exemples forts, en faveur de la pratique du sport, de l'émancipation, mais aussi du regard que l'on porte.
Par ailleurs, on doit travailler avec toute la jeunesse, adultes de demain. Si au travers des Jeux paralympiques, on leur parle de handicap, on crée une jeunesse avec une culture paralympique. On parle de performance, de réussite, de dépassement de soi…
C'est travailler avec un regard positif sur les enjeux d'une société inclusive.
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